« Il y a quelques jours, l’administration fiscale publiait les chiffres de la collecte des recettes fiscales au 31 juillet 2022. Fait notable, ces chiffres affichaient une progression de près de 300 milliards de FCFA, en comparaison avec la même période en 2021. Je voudrais partager avec vous l’analyse que j’en fais. Un examen superficiel de ces données pourrait laisser penser qu’elles ne reflètent que la performance des services fiscaux. En réalité, au-delà des nombreuses réformes mises en œuvre qui peuvent expliquer en grande partie ces résultats, il me semble que ces chiffres rendent davantage témoignage de la résilience de notre économie en général et de celle du secteur privé en particulier. Ils sont donc de ce fait un hommage appuyé au dynamisme des dirigeants d’entreprise que vous êtes. »
La visite du directeur général du Budget à Douala à la mi-septembre aurait pu s’arrêter à cette déclaration faite par Mopa Fatoing devant les hommes et femmes d’affaires réunis dans leur antre du Groupement interpatronal du Cameroun (GICAM). Le rond de jambe est parfait, les patrons sont sous le charme, dont le premier d’entre eux, Célestin Tawamba. Le patron des patrons semble avoir enterré la hache de guerre qu’il avait brandie contre le directeur général des Impôts. Un an plus tôt, sur les mêmes terres, le GICAM avait répondu aux abonnés absents. L’époque où Célestin Tawamba faisait sa crise fiscale est derrière les deux hommes, seuls comptent l’avenir et les perspectives d’un partenariat entre l’administration fiscale et le patronat.
Le patron des patrons semble avoir enterré la hache de guerre qu’il avait brandie contre le directeur général des Impôts
Ce 14 septembre, devant la crème de l’entrepreneuriat Mopa Fatoing n’est plus le grand méchant loup qui veut détrousser les dirigeants d’entreprises, qui ne pense qu’à leur en prendre au maximum, qui est altier et sûr de son fait. C’est redevenu un interlocuteur incontournable dans la normalisation des rapports entre la DGI et les gros contribuables. Ce qui n’était pas pour déplaire au directeur général des Impôts dans sa démarche d’explication des réformes fiscales, mais aussi de séduction. Rien de tel que les chiffres pour montrer aux hommes d’affaires les progrès réalisés depuis dix ans dans la mobilisation des recettes fiscales, fruit certes d’une administration fiscale performante, mais aussi du dynamisme du secteur privé doublé d’une détermination à s’acquitter de l’obligation fiscale. La DGI « se considère comme l’un des premiers bénéficiaires des dividendes d’un secteur privé dynamique et prospère », dixit Mopa Fatoing.
Mais dans le propos de Célestin Tawamba ce jour-là, subsiste les scories d’une passe d’armes. S’il fait bien la comptabilité des réalisations et réussites de la DGI sous Mopa Fatoing, il garde quelques poils bien hérissés. « Fort à propos, dans votre allocution d’ouverture de la présente tournée, vous avez fait état de la bonne tenue de la mobilisation des ressources fiscales. L’Etat en a besoin, et ce n’est pas en soi une mauvaise chose. Toutefois, cette mobilisation est concomitante avec un affaiblissement préjudiciable aux entreprises de leur viabilité économique et opérationnelle et des menaces subséquentes à plus ou moins brève échéance. » Le scénario presque catastrophe donc pour le patronat, dont le chef formule par la même occasion les pistes de solution considérées comme autant de défis à l’endroit de la DGI.
Le GICAM plaide pour l’instauration d’un véritable climat de confiance dans le dialogue entre l’Etat et le secteur privé.
Le GICAM demande « un rapide retour à l’imposition des entreprises à l’IS, non pas sur le chiffre d’affaires, mais sur le bénéfice réalisé ». La principale organisation patronale du Cameroun soutient que la « préparation de la loi de finances souffre de l’absence d’une concertation avec le patronat, en amont de la préparation de la circulaire de cadrage budgétaire du président de la République ». Selon Célestin Tawamba, la loi de finances 2023 doit être celle de la relance économique et ne surtout pas augmenter la pression fiscale par une nouvelle taxe. Enfin, le GICAM plaide pour l’instauration d’un véritable climat de confiance dans le dialogue entre l’administration fiscale et le patronat et, d’une manière générale, entre l’Etat et le secteur privé. « Un dialogue et concertation empreints de sincérité et de compréhension mutuelle », conclut-il.
Après quelques mois de brouille, les deux partenaires semblent avoir compris combien leur destin sont liés.
Arthur L. Mbié