Selon des informations de la direction générale du Budget, des discussions y afférentes ont été engagées à New-York aux Etats-Unis, au cours d’une récente mission du Centre national de développement informatique (Cenadi).

L’Etat du Cameroun projette de lancer sa crypto-monnaie ou monnaie numérique. L’information est révélée par la direction générale du Budget (DGB) du ministère des Finances (Minfi). Des discussions dans ce sens ont même déjà été engagées entre le Centre national de développement informatique (Cenadi) et le constructeur informatique américain IBM. « A la faveur d’une mission à New York, USA auprès d’IBM, l’un des partenaires stratégiques du Cenadi depuis bientôt trente ans, d’importants échanges ont eu lieu entre le top management et le vice-Président d’IBM responsable du département crypto-monnaies pour le secteur publique et règlementation juridique. M. Tejasvi Chugh, Vice President Strategy and Corporate Development d’IBM. De ces échanges, il ressort que les crypto-paiements restent une opportunité exceptionnelle pour l’Afrique qui tient à densifier les échanges Sud-Sud sans systématiquement que ces transactions financières s’adossent sur des monnaies de références à l’instar de l’Euro ou du Dollars », révèle la direction générale du Budget dans une note produite le 27 juillet dernier.

La même source poursuit : « Si nous prenons en compte le cas du Cameroun et du Nigeria qui partagent non seulement une longue frontière de près de 1 690 km et des échanges économiques importants, l’hypothèse de disposer d’un cadre commercial d’échange en token cryptographiques pour ses opérateurs économiques est susceptible d’améliorer significativement la balance de paiement des deux Etats. » Une telle démarche vise à  réduire la « dépendance aux devises de l’euro et du dollar qui sous-tendent les monnaies locales respectives des deux pays. Le Cenadi, de concert avec IBM, travaille à élaborer le cadre expérimental d’un hackaton digital qui permettra de mettre autour de la table en plus de la communauté des développeurs, des experts fiscaux, douaniers, juristes, la banque centrale, et les opérateurs économiques à l’effet d’éprouver les scenarii de faisabilité qui pourraient faire l’objet d’une implémentation grandeur nature portant sur un cross-border payment eNaira # eCFAToken ».

Le projet de création d’une cryptomonnaie de l’Etat du Cameroun, apprend-on, pourrait s’appuyer sur l’infrastructure mainframe « IBM z14r1 » déjà déployée au Cenadi qui dispose d’ores et déjà des processeurs cryptographiques nécessaires pour garantir la non-répudiation et la sincérité des écritures sur une blockchain privée.

Les scénarii proposés à l’Etat

Pour arriver à la décision de créer sa propre cryptomonnaie, la DGB indique que deux scénarii ont été proposés à l’Etat. Le premier scénario consistait à opter d’agir en collégialité avec les autres membres de la Cemac [Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad) pour demander à la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac) d’émettre une crypto-monnaie de type « MDBC » [monnaies numériques de banque centrale] arrimée au Franc CFA. Mais selon la DGB, cette option serait improductive au regard des accords de coopération monétaire qui lient la Banque centrale à la France et qui la contraindrait à mener de profondes réformes structurelles (conditions préalables) sur le franc CFA notamment sa convertibilité, l’unité de compte, l’interopérabilité, sa cession…

Le deuxième scénario pour l’Etat était d’agir seul en développant un programme de capacitation en technologie de blockchain /crypto-assets. L’objectif étant de constituer un portefeuille de crypto-actifs destinés par exemple à certaines dépenses de souveraineté. Il s’agit aussi, de par le biais des transactions au sein de l’écosystème, de comprendre de manière précise les habitudes des populations et celles de la sous-région et être en mesure d’apporter des réformes fiscales, juridiques et réglementaires pertinentes dans l’intérêt supérieur du Cameroun. Cette démarche a été adoptée par 87% des pays au monde plus la République centrafricaine (RCA). Seules la Beac, la Bceao et les pays en conflits, en situation de précarité ou d’instabilité restent à la traîne.

En optant pour ce second scénario, renseigne la DGB, cela permettra de doter progressivement le pays d’une capacité technique et opérationnelle à exploiter au besoin une plateforme de crypto-monnaie dont le but n’est pas de violer ou outrepasser les cadres juridiques et règlementaires auxquels il a librement consentis, mais de faire face aux visées expansionnistes des monnaies digitales publiques et privées, portées par des lobbies et certains Etats, mais qui à terme ne sont rien d’autres que des « Chevaux de Troie » donc en apparence inoffensives mais qui pourraient être préjudiciables plus tard.

 

Cryptomonnaie

Les prémisses de la régulation

Le projet de l’Etat du Cameroun de lancer sa crypto-monnaie ne surprend pas. L’Etat, à travers le ministère des Postes et Télécommunications (Minpostel), avait déjà indiqué la tendance depuis 2021. Cette administration avait alors organisé un séminaire à Yaoundé le 15 novembre 2021 sur « Les enjeux, les opportunités et les risques de la crypto-monnaie au Cameroun ». Au final, un document a été produit à la fin des travaux en formulant des propositions synthétisées par le Minpostel en vue d’encadrer l’usage de cette monnaie virtuelle au Cameroun. Ladite monnaie étant pour l’instant frappée d’interdiction par la Commission de surveillance des marchés d’Afrique centrale (Cosumaf) parce que la Cemac (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad) ne dispose pas encore d’un cadre juridique et réglementaire pour encadrer son émission.

Au terme des présentations sur la régulation, il a été demandé d’étendre la réglementation qui encadre déjà la monnaie électronique (Mobile Money, E-cash…) à la crypto-monnaie qui évolue néanmoins dans un espace géographique non définie. Dans cette perspective il a été recommandé de s’assurer que la définition du marché est suffisamment tournée vers l’avenir ; réviser et adapter les politiques pour intégrer pleinement les changements survenus sur le marché ; utiliser d’autres outils pour cerner les principaux éléments déterminants au comportement de changement de fournisseur par le consommateur ; revoir les seuils de la réglementation ex-ante afin d’assurer l’équilibre entre la réglementation et les risques d’investissement ; réévaluer les dispositifs institutionnels ; adopter des mesures provisoires pour accélérer l’application ex-post et atténuer les préjudices potentiels de pratiques anticoncurrentielles.

Enfin, il a été recommandé de mettre en place, en collaboration avec les principaux régulateurs sectoriels (Cosumaf, Banque centrale, ministère des Finances, agence de régulations des télécoms…), un cercle de concertation public privé du secteur des communications électroniques devant permettre aux acteurs exerçant dans le domaine de la Fintech, plus particulièrement de la crypto-monnaie, de tester sous certaines conditions la technologie de la blockchain pour une durée déterminée.

Le Minpostel avait engagé cette réflexion dans un contexte où pour les gouvernants et notamment ceux d’Afrique centrale, crypto-monnaie rime avec escroquerie, difficultés de qualification, problèmes de définition, nature juridique difficile à cerner, enjeux de régulation et réglementation. Toutefois, indique le ministère, « ayant désormais le vent en poupe et devenant un vecteur des échanges au sein des masses populaires, la crypto-monnaie nécessite incontestablement d’être appréhendée ».

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