Le pays n’est plus que factions et fractions. La passion du football n’est plus la case commune où tous les enfants du pays se rassemblent. Les Lions Indomptables ne sont plus un patrimoine consensuel, ils sont au centre d’un déchirement national, exacerbant nos clivages anciens et créant de nouvelles querelles, avec une ligne de crête tranchante qui ne tolère que manichéisme et fanatisme.
Depuis l’arrivée de Samuel Eto’o à la tête de la FECAFOOT il y a plus de dix mois, les curseurs de l’actualité sont restés beaucoup trop longtemps sur cette association sportive même si elle est aujourd’hui dirigée par l’un de ses fils les plus iconiques, les plus médiatiques, sans doute le joueur le plus emblématique que le pays ait jamais connu. La place hypertrophique que les médias et réseaux sociaux lui ont volontiers concédée est en train de se retourner contre notre « supporter ensemble », en attendant qu’il touche à notre vivre ensemble.
Les Camerounais ne sont jamais apparus autant divisés que sur la question de la gestion de la FECAFOOT et des Lions Indomptables, chaque camp disposant d’une branche extrémiste qui ne tolère ni critique même constructive d’un côté, ni éloge même mérité de l’autre. La pomme de discorde ne tient ni au changement d’exécutif à la FECAFOOT, ni au statut d’ancien joueur de son nouveau président et encore moins à sa stature de star mondiale. L’élément nouveau ici est le tempérament de Samuel Eto’o: fougueux, impétueux et téméraire, chaque qualificatif avec les défauts de ses avantages. Le problème, c’est la radioactivité qui exhale de Tsinga depuis 10 mois.
Ils n’approuvent pas son style managérial fait de transgressions et d’audace, sans respect pour les cathédrales et les monuments.
Une frange de Camerounais, ses partisans, sans doute las du statu quo ou déçus de la lenteur des changements dans l’espace public, se consolent avec ce caractère trempé qui veut tout et tout de suite, quoi qu’il en coûte, et qui peut renverser la table quels que soient le menu servi et les convives. Aussi de nombreux cadres du MRC se sont embarqués auprès de Samuel Eto’o, l’aidant à conquérir la présidence de la FECAFOOT, comme une revanche cathartique de la présidentielle de 2018.
Une autre partie des Camerounais regardent d’un œil au moins méfiant au départ et de plus en plus inquiet ces jours-ci, ce jeune quadra qui a tout pour lui, l’argent et la célébrité, et semble vouloir les ringardiser. Ils n’approuvent pas son style managérial fait de transgressions et d’audace, sans respect pour les cathédrales et les monuments.
Les uns prédisent sa réussite, les autres son échec. Les paris sont pris et le suspense n’est pas feint. Samuel Eto’o a mis sa vie en scène comme un feuilleton, avec de bons et de mauvais épisodes, mais l’intrigue, elle, ne manque jamais de piquant.
Quand les excès sont de sortie, les dérives ne sont pas loin. Les démons du tribalisme ont engagé une danse macabre autour de cette nouvelle attraction qu’est la FECAFOOT d’Eto’o Fils.
Pendant ces 40 dernières années, les divisions des Camerounais s’arrêtaient aux portes des stades, où la fierté d’appartenance à la même nation ou au même club avait tous les droits. Au plus fort de la crise dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, le football est la seule activité organisée que les séparatistes acceptaient, eux-mêmes s’installant aux premières loges pendant les rencontres à Bamenda.
Le pouvoir n’est pas malheureux que la passion des Camerounais pour ce qui se passe ou ne se passe pas à Tsinga les occupe au point d’oublier les problèmes du pouvoir d’achat, de coupure de courant, de rationnement de l’eau ou du chômage. Pourtant, il n’a pas intérêt à laisser perdurer ces nouvelles fractures qui entaillent et balafrent le vécu national. Quand les excès sont de sortie, les dérives ne sont pas loin. Les démons du tribalisme ont engagé une danse macabre autour de cette nouvelle attraction qu’est la FECAFOOT d’Eto’o Fils. Il faut arrêter la musique.