Les demandes de renseignements aux personnels du Minfi par la mission de contrôle du Consupe sont jugées peu orthodoxes par les spécialistes.
Ceux qui ont une opération politique derrière l’envoi d’une mission du Contrôle supérieur de l’Etat sur les chapitres 65 et 94 du budget de l’Etat par le secrétaire général de la présidence de la République ont du grain à moudre. Depuis quelques jours, l’opinion publique est tenue en haleine par des fuites d’informations savamment distillées sur les réseaux sociaux sur les « découvertes » des inspecteurs du Consupe. Ces derniers épluchent actuellement les missions de 1790 fonctionnaires relevant du ministère des Finances, et payées sur le chapitre 65 intitulé » Dépenses communes de fonctionnement » entre 2010 et 2021. On évoquait même sur internet des cas où certains agents affichaient des jours de mission supérieurs à la limite règlementaire de 100 jours, et pouvant aller jusqu’à 500 jours. Le ministre des Finances, qui gère ce chapitre de dépenses communes de fonctionnement, avait, dans une correspondance du 30 septembre 2022, appelé son personnel coopérer pleinement aux travaux de la mission de contrôle.
Seulement, le défilé des agents du ministère des Finances devant la mission du Consupe n’est pas au goût de tout le monde, notamment des tenants de l’orthodoxie du contrôle budgétaire. Des critiques émergent déjà pour dénoncer cette spectacularisation des auditions qui auraient d’autres desseins que de voir clair dans les dépenses du chapitre 65. « Nous ne savons pas ce qu’il y a derrière, mais j’ai l’impression qu’on veut se servir des fonctionnaires pour atteindre une cible », écructe un fonctionnaire après son passage rugueux devant le mission.
Il ressort en effet des critiques qui sont émises que « les demandes de renseignements formulées par la mission de vérification du Consupe ne respectent pas l’orthodoxie du contrôle et sont par conséquent illégales », énonce un document qui circule parmi les fonctionnaires ciblés.
Les agents bénéficiaires des missions ne sont pas la cible du Consupe
Le document, qui ne porte pas le nom de son signataire, poursuit : « Les agents mis en mission ne sont pas des cibles du contrôle du Consupe. Le Consupe est incompétent pour contrôler les agents publics ayant exécuté des missions pour le compte de diverses administrations. (…) Car, le budget est exécuté par les ordonnateurs, les contrôleurs financiers et les comptables publics, seuls acteurs sur lesquels porte le contrôle. Les agents publics exécutant une mission ne sont pas, à ce titre, des acteurs de l’exécution du budget ; ils sont dans la situation des cocontractants de l’administration comme le sont les autres fournisseurs et prestataires de services, une situation contractuelle d’un type particulier, dans laquelle ils ne sont même pas signataires de l’engagement juridique qu’est l’ordre de mission. Ils n’ont donc pas à être invités à justifier l’exécution du budget ».
Par ailleurs, mentionne la document, la détention par les agents publics des pièces sollicitées est formellement interdite par les textes en vigueur et constitue, le cas échéant une faute professionnelle et même pénale pour l’agent public qui s’y risquerait. L’agent public ayant effectué une mission, peut être ou ne plus être en position d’activité dans la structure contrôlée au moment où s’effectue ledit contrôle. Dans l’un ou l’autre cas, il s’exposerait aux dispositions des articles 188 et 189 de la loi portant code pénal, reprenant littéralement les dispositions du décret portant statut général de la Fonction Publique, s’il détenait par devers lui de tels documents. Et quand bien même il serait encore en activité dans l’administration concernée, il commettrait toujours une faute pénale en application de la loin°2000/010du 19 décembre 2000 régissant les archives.
Des demandes jugées surréalistes
De plus, apprend-on, les demandes formulées par les vérificateurs du Consupe sont surréalistes. « Il est déraisonnable et surréaliste de demander à un agent public ayant effectué des missions plus de dix ans en arrière, d’en présenter à une équipe de contrôle a posteriori les pièces justificatives y afférentes, notamment la lettre de mission, l’ordre de mission et le rapport de mission. Car, ces documents sont des documents de service qui ont justement permis à l’ordonnateur d’ordonnancer la dépense et au comptable public de la payer ; ce ne sont pas des documents personnels de l’agent public, (…) La conservation du rapport par devers un agent public est circonscrite dans un temps limité, la circulaire qui pose l’exigence de sa présentation étant elle-même limitée à un exercice budgétaire, ne créant aucun droit sur les exercices suivants, et surtout ne pouvant aller à l’encontre des dispositions législatives et réglementaires ci-avant rappelées. »
Il semble bien que la mission du Consupe n’a pas encore fini de faire parler d’elle.