Le ministre des Finances a marqué son accord à la Douane pour l’acquisition de cette infrastructure technologique dont l’efficacité a fait ses preuves dans la lutte contre la fraude douanière et la circulation des armes.
C’est l’aboutissement d’un processus de près de dix ans. Dans une note laconique signée le 19 juin 2023, le ministre des Finances écrit au directeur général des Douanes : « Comme suite à votre note n°2630/MINFI/DGD8 du 2 mars 2023, et me référant à l’avis juridique émis par la Division des Affaires Juridiques […], j’ai l’honneur de vous marquer mon accord pour l’ouverture des discussions avec le fournisseur des scanners mobiles que vous souhaiteriez acquérir dans le cadre d’une procédure de gré à gré. » Louis Paul Motaze consacre par cette décision le basculement du gouvernement pour une solution hautement technologique pour le scanning des cargaisons destinées à entrer dans le territoire camerounais. Il aura fallu dix ans au gouvernement, pendant lesquels de nombreuses opérations tests ont été menées avec succès dans nos ports et en plusieurs points du territoire, pour finalement adopter les scanners mobiles efficaces en matière de sécurité et pour réduire la contrebande et la fraude douanière.
C’est e effet en 2013, qu’American Science and Engineering, société américaine spécialisée dans la sécurité notamment les scanners mobiles et fixes, fait une offre au gouvernement du Cameroun pour l’acquisition des scanners mobiles. Le 26 novembre 2013, Louis Paul Motaze, alors secrétaire général des services du Premier ministre, écrit au ministre des Finances. Il lui fait parvenir l’offre de American Science and Engineering (AS&E) « pour une exploitation concertée avec le Guichet unique des opérations du commerce extérieur (Guce), ainsi que le Port autonome de Douala (PAD), dans le cadre du projet de dématérialisation des procédures du commerce extérieur.
En début août 2014, le président américain Barack Obama convie le président Paul Biya au sommet Afrique-Etats-Unis à Washington. Le management de American Science and Engineering saisit l’occasion de cette présence qui ressemble à un marketing pays pour faire directement l’offre des scanner mobile à Paul Biya. Le 23 septembre 2014, le directeur de cabinet de Philemon Yang relance le dossier déjà mentionné par Louis Paul Motaze plus d’un an plus tôt. Ghogomu Paul Mingo transmet une nouvelle fois, pour examen, l’offre de American Science and Engineering, représenté au Cameroun par TransAtlantic Business Consulting (TBC). La direction générale des Douanes est saisie le 28 septembre 2014 pour tester les scanners mobiles.
Minette Libom Li Likeng, alors directrice générale des Douanes, met en place une équipe spéciale devant procéder aux essais au port et dans la ville de Douala. L’opération est baptisée : Sphynx. Les résultats obtenus pendant cette période de test, qui commence en avril 2015, sont édifiants. En trois mois, la douane camerounaise a scanné plus de 12 000 conteneurs, là où les résultats passés affichaient 3 000 conteneurs scannés en douze mois. Ce filtrage avancé a permis de déceler de nombreux cas de fraudes, y compris certains qui avaient déjà franchi le scanner de la SGS. Au total, ce sont environ 5,4 milliards de frais de douanes compromis qui ont été recouvrés, grâce à l’effet cumulé d’une meilleure inspection et de la peur du gendarme. Le cas le plus emblématique reste les 30 tonnes d’emballages plastiques non biodégradables saisis à Bekoko à la sortie ouest de Douala. L’importateur les avait dissimulés derrière des produits alimentaires. Seulement, il ignorait que la technologie ZBV qui constitue l’essence des scanners mobiles, permet de détecter au-delà des matières organiques. Ces emballages plastiques interdits seront détruits par le ministère de l’Environnement.
La direction générale des Douanes est sous le charme de cette technologie. Mme Minette Libom Li Likeng fait un rapport circonstancié au Minfi, avec pour finir un avis très favorable au regard des résultats obtenus. Notamment, le scanner mobile a aidé à décongestionné le port de Douala, qui frôlait à l’époque la paralysie. A la vérité, American Science and Engineering n’est pas que le promoteur de la technologie de scanner ZBV, c’est aussi un fournisseur de solutions de sécurité. A ce titre, il est partenaire des forces de défense et de sécurité de l’Etat.
Malgré ces atouts et les atours de la société américaine, le Minfi de l’époque, n’est pas sur la même longueur d’ondes. Ni American Science and Engineering, ni TransAtlantic Business Consulting, son représentant, n’ont été consulté. Le Premier ministre décide donc de prendre le taureau par les cornes. Le 24 décembre 2015, il crée une Task force chargée « d’examiner les modalités d’optimisation de l’inspection des conteneurs et du fret dans les ports et aéroports du Cameroun et de la surveillance des flux aux frontières ». Pendant deux mois, elle fera l’état des lieux des dispositifs existants et, entre autres, recensera et évaluera techniquement, financièrement et juridiquement les offres reçues par le gouvernement dans ce domaine. Le Premier ministre n’obtiendra pas plus de succès.
Mais sur le terrain, les scanners mobiles avaient un succès difficile à ignorer, obligeant les services publics de filtrage de les adopter, à la Douane et au sein des forces de défense et de sécurité. Le ministre délégué à la Défense recommande, dans une correspondance au ministre des Finances le 1er décembre 2016, la dotation des scanners mobiles, plus efficaces, dans les points agréés de Fotokol dans le Logone et Chari et de Boukla dans le MayoTsanaga. Beti Assomo écrit : « La vitesse de balayage et la puissance de pénétration du rayon seraient autant de gages d’efficacité, de fiabilité et de célérité dans la procédure d’inspection ».
Mode d’emploi des scanners mobiles
Outre les pertes de recettes, la contrebande est un vrai risque pour la santé publique des populations. Et la porosité de nos frontières un risque pour la sécurité.
La technique de dissimulation est quasiment le même chez tous les contrebandiers. Le produit déclaré est positionné à l’entrée du conteneur pour tromper la vigilance soupçonneuse du contrôleur. Ils savent que l’inspection physique systématique étant lourde et lente, les inspecteurs des douanes qu’une longue file de conteneurs attend ne jettera qu’un coup d’œil ici ou là. Pourtant, derrière les pneus usés déclarés se cachent des cartons de poulets congelés et des whiskies. Souvent, ce sont des voitures qui sont dissimulées à l’arrière du conteneur, recouvertes de brocante et de friperie.
Les scanners sont la solution à ce problème d’efficacité. Le processus est rapide et permet une meilleure appréciation du contenu du conteneur. Depuis plusieurs années, la douane, en dédoublement des scanners de la SGS placés au port de Douala, expérimente le scanner mobile Z Backscatters Van (ZBV) qui voit tout dans le conteneur. Les résultats montrent bien la porosité des dispositifs actuels aux postes frontière, notamment au port de Douala. Testé par la direction générale des douanes entre avril et juillet 2015, le scanner mobile avait détecté 183 cas suspects ayant régulièrement franchi toutes les étapes d’importation au port de Douala. Gain : 300 millions de sommes compromises. Même si les fonds recouvrés sont importants, la protection de l’espace national l’est davantage pour mettre les entreprises locales à l’abri d’une concurrence déloyale. La plupart des produits de contrebande n’ont pas que le défaut de ne pas payer les taxes douanières et fiscales, ils sont très souvent interdits d’importation pour protéger une filière locale, comme pour le poulet congelé, ou pour la santé des populations, comme avec certains médicaments ou whiskies de contrebande.
Au-dessus de tout se trouve l’exigence de sécurité en ces temps de menace terroriste. En effet, le relâchement ou la faiblesse du système de surveillance aux frontières peut faire courir de sérieux risques au pays, qui est entouré de foyers de conflits gourmands en armement de toutes sortes.
Arthur L. Mbye