Malgré le démenti de cet établissement bancaire, une plainte a bel et bien été déposée au premier trimestre 2022 au tribunal judiciaire de Paris pour escroquerie.
C’est une publicité dont aurait pu se passer United Bank for Africa Cameroon (UBA Cameroon), filiale de banque nigériane UBA. En septembre dernier, un cyber-activiste révèle que la filiale camerounaise est désormais poursuivie en France et au Cameroun pour « sa participation active dans la mise en place d’une escroquerie planétaire ». Ceci parce qu’elle aurait mis des cartes prépayées à la disposition d’Emile Parfait Simb, promoteur de Global Investment Trading, société spécialisée dans les placements en crypto-monnaie, plus connue sous le nom Liyeplimal. Ces cartes, apprend-on, auraient permis d’effectuer des paiements, mais aussi « de dégrader la position extérieure du CFA par des retraits massifs de fonds à l’étranger via des cartes prépayées que les services secrets soupçonnent d’être un outil de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme. »
Désormais associé à la société Liyeplimal poursuivie au Cameroun et à l’étranger par des centaines de personnes pour escroquerie via des crypto-monnaies, l’établissement bancaire a beau apporter des démentis, mais une plainte a bel et bien été déposée contre UBA Cameroon et 115 coaches, en France. Enregistrée au parquet du tribunal judiciaire de Paris sous le numéro de 22255000468, l’affaire a été enrôlée au premier trimestre 2022 et un certificat de dépôt de plainte existe.
Les vaines dénégations de UBA Cameroun
Lorsque l’existence de cette plainte est révélée en septembre dernier, le premier réflexe de la banque est de nier les faits. « Après exploitation et analyse, nous relevons que lesdites informations concernant notre institution bancaire sont mensongères, diffamatoires et portent hautement atteinte à notre image. Sauf erreur ou omission de notre part, aucune action judiciaire n’a été engagée contre notre institution bancaire pour une participation active à la mise en place d’une escroquerie planétaire, que ce soit en France, au Cameroun ou dans tout autre pays », écrit la banque, le 15 septembre 2022.
UBA persiste en indiquant qu’en outre, les récents contrôles effectués à UBA Cameroun par ses régulateurs n’ont pas relevé de manquements liés à « la dégradation de la position extérieure du CFA » ou « d’utilisation de ses cartes prépayées comme un outil de blanchiment des capitaux et à des dins de financement du terrorisme ».
Malgré ce démenti, l’accusation insiste en affirmant que la banque de Tony Ulumelu serait surtout poursuivie parce qu’à la différence des autres établissements financiers, UBA aurait reçu l’ordonnance du Tribunal de Première Instance de Douala demandant la saisie des avoirs sur les comptes d’Emile Parfait Simb et de sa société, mais aurait refusé de s’exécuter. Pis elle n’aurait pas jugé utile de communiquer à l’huissier mandaté par les souscripteurs, la position des comptes de Liyeplimal.
En guise de réponse, UBA Cameroun déclare : « en date du 20 avril 2022, elle a effectivement reçu de maître Ekindi à la requête d’un collectif de 78 clients, le procès-verbal de saisie-conservatoire de créances au préjudice de l’entreprise « Global Investment ». Une réponse a été adressée à maître Ekindi en date du 22 avril 2022 dans les formes et délais prescrits par la loi. Il vous est donc loisible de vous rapprocher dudit huissier pour confirmation ». Mais UBA ne dit pas si oui ou non, les positions des comptes de Liyeplimal ont été transmises ou si les avoirs ont été saisies comme requis par la Justice. La banque reconnaît quand-même qu’Emile Parfait Simb est un ancien client.
Une affaire à rebondissements
Après son arrestation le 26 mai 2022, Émile Parfait Simb, a été libéré après deux jours de garde dans les cellules du parquet du tribunal de première instance de Yaoundé et de la police judiciaire. Des sources judiciaires révèlent qu’après avoir été arrêté à Douala, Émile Parfait Simb, accusé d’escroquerie par une centaine de souscripteurs, a été amené à Yaoundé pour être entendu par le procureur et à la police judiciaire. Au bout de deux jours, il a finalement été décidé de renvoyer l’affaire à une instance supérieure à Douala, ville où il a été arrêté et où il vit.
Une fois au tribunal de Grande instance de Douala, le prévenu et ses avocats ont obtenu, le 28 mai, une libération sous deux garants. « Deux personnes ont signé qu’ils se portent garants de sa disponibilité à répondre aux convocations du procureur et des enquêteurs. Ainsi, s’il vient à fuir ou à fondre dans la nature, ce sont ces deux personnes qui répondront en son nom », apprend-on. Seulement, un mystère entoure l’identité des deux garants de M. Simb. Le dossier d’accusation engagé contre lui à Yaoundé doit être renvoyé à Douala pour être suivi par un juge d’instruction. C’est ce juge qui décidera de la suite à donner à la procédure judiciaire.
Interpellation et passes d’armes
Début d’année 2022, une centaine de souscripteurs du produit de crypto-monnaie Liyeplimal, qui peinent à entrer en possession du fruit de leurs investissements, ont porté plainte à Global Investment Trading pour escroquerie. Et depuis février, en sa qualité de représentant légal de la société, Émile Parfait Simb aurait été convoqué plusieurs fois, mais ne se serait jamais présenté.
En octobre 2020 déjà, l’avocat Dominique Fousse, qui défend ces souscripteurs, a saisi le procureur général près le Tribunal criminel spécial (TCS), juridiction appelée à statuer sur des crimes de détournement de deniers publics de plus de 50 millions de FCFA, pour une « dénonciation aux fins de poursuites pénales » contre la Société Global Investment Trading et son promoteur Émile Parfait Simb.
Selon le cabinet Fousse, cette société procède depuis plusieurs années en toute illégalité à la collecte des fonds auprès du public par voie d’appel public à l’épargne. Cette société avait en plus été épinglée en juin dernier pour les mêmes faits par la Commission de surveillance du marché financier de l’Afrique centrale (Cosumaf). La Commission de surveillance l’accusait, de même que plusieurs autres entreprises, de procéder à « la collecte irrégulière des fonds auprès du public, contres des titres de capital, des placements financiers, et dans de biens divers (immobilier, véhicules) avec des promesses de rendements allant de 100% à 500% de la mise initiale et dans des délais non raisonnables ».
Selon la Cosumaf, l’exercice de toute activité en lien avec l’appel public à l’épargne et les instruments financiers doit être soumis à l’agrément préalable de la Cosumaf, lequel agrément est matérialisé par une décision prise après instruction d’un dossier de demande d’agrément formulé par le requérant. Liyeplimal ne s’est jamais défendu contre les accusations de la Cosumaf. Au contraire, son promoteur publie régulièrement sur les réseaux sociaux des informations censées témoigner de la bonne santé financière de ses affaires au point d’annoncer, il y a peu, le lancement d’une compagnie aérienne. Pour ses suppôts, c’est la Cosumaf qui est en retard sur la régulation de l’activité de crypto-monnaie. Par conséquent, c’est la Commission de surveillance qui devrait s’adapter à ce nouvel outil financier.
Dans une interview parue le 1er novembre 2021 dans le quotidien privé Mutations, Émile Parfait Simb a répondu à Dominique Fousse. « Ces personnes qui déposent des plaintes contre moi ont-elles investi chez nous et n’ont pas perçu leur retour sur investissement ? Il faut aller leur poser cette question. Je ne les connais même pas et, physiquement, je suis sûr qu’elles aussi ne me connaissent pas. Jusqu’à ce que la Cemac réglemente le secteur, la crypto-monnaie va faire l’objet de méfiance. Et même quand la réglementation sera là, il y en a qui ne vont pas s’arrimer puisque, jusqu’à ce jour, il y a des gens qui n’ont pas compris comment fonctionne le Mobile Money », a déclaré M. Simb.
Arthur L. Mbye