Louis Côme Awono
« Des investisseurs passent outre les normes de construction »
Le président de l’Ordre National des Architectes du Cameroun appelle au respect des normes pour conjurer les effondrements récurrents d’immeubles bâtis ou en chantier dans nos villes.
Plus de 40 personnes ont perdu la vie suite à l’effondrement d’un immeuble à Douala dans la nuit du 22 au 23 juillet 2023. Quelques jours plus tard, un autre immeuble de quatre niveaux s’effondre à Ngaoundéré et fait 4 morts. Un doigt accusateur est pointé sur la qualité des matériaux et partant la qualité des ouvrages qui n’ont pas résisté face à la grande pluviométrie. Est-ce que vous ne vous sentez pas interpeller par cette autre tragédie liée au génie civil ?
A mon avis, ces phénomènes sont récurrents pour des causes diverses : premièrement, l’incivisme ou l’ignorance des investisseurs. Certains propriétaires d’immeubles ne consultent pas les professionnels, architectes ingénieurs, entrepreneurs qualifiés. Ces investisseurs passent outre les normes en vigueur en matière de construction : la maturité des études, l’obtention du permis, le respect des consignes prescrites dans les dossiers de permis de construire, le suivi et le contrôle des constructions.
Deuxièmement, l’utilisation des mauvais matériaux de construction ou des matériaux avariés comme le ciment dont la date d’expiration est dépassée ou même des matériaux de mauvaise qualité ne répondant pas aux normes, le non-respect des fiches techniques des matériaux et la mauvaise mise en œuvre par des ouvriers ou techniciens non formés ou non qualifiés.
La dernière cause est le non-respect des décisions administratives et le manque de répression par ces autorités en charge de la réglementation en vigueur. Un contrôle systématique devrait être fait par les services en charge du contrôle de l’occupation des sols. Dès l’obtention du permis de construire, un certificat d’implantation doit être délivré jusqu’au certificat de conformité. Pourvu qu’il y ait une vraie gouvernance dans toutes les procédures.
Dans les plans d’urbanisation d’une ville comme Douala et dans d’autres villes du Cameroun, l’architecte a-t-il un rôle fondamental à jouer ?
Les plans auxquels vous faites allusion sont des plans d’occupation des sols, les plans de secteur, les schémas directeurs d’aménagement. Ces plans existent dans quelques localités et devraient être vulgarisés afin que les architectes et urbanistes les prennent en compte dans leurs études. Un autre document très important est le certificat d’urbanisme qui doit être délivré avant toute étude. Le certificat d’urbanisme définit toutes les servitudes, les alignements, les coefficients d’occupation des sols ainsi que le coefficient d’emprise au sol. Voilà un document important en matière d’urbanisme.
L’ordre national des architectes du Cameroun a-t-il un programme adéquat afin de ramener tous les acteurs du génie civil dans le respect des règles de construction et environnementales ?
Ramener tous les acteurs du génie civil dans le respect des règles de la construction n’est pas le devoir de l’Onac par contre nous anticipons pour que les acteurs puissent être conscients à travers nos portes ouvertes dont les conseils sont gratuits. Par ailleurs l’Onac entrevoit d’organiser en juillet 2024 un salon sous régional de l’architecture, du bâtiment et des travaux publics « Sarbat ». Ce salon d’échange de savoir et transfert de technologie aura pour cible le grand public, les entrepreneurs, les autorités et tous les acteurs de l’architecture, du génie civil et d’autres infrastructures dans le secteur. Des échanges BtoB et des conférences seront organisées. Ainsi l’opportunité sera donnée à tous les participants, visiteurs et exposant d’échanger sur les problèmes de l’heure.
Nous imaginons que vous êtes en plein dans la préparation de cet événement. Pouvons-nous avoir une idée des avancées ?
Oui Sarbat, le salon sous régional de l’architecture, du bâtiment et des travaux publics qui aura lieu en juillet 2024 sera une opportunité dans le secteur à ne pas manquer. Une première. Nous avons agréablement apprécié la tenue du dîner de presse du 02 juin 2023 relayée par vous les médias. Actuellement nous avançons lentement et sûrement dans les préparatifs. Le moment venu la température va s’élever au fur et à mesure que l’événement approche. Comme dernier point, l’ordre national des architectes insistent sur la formation continue des architectes, des techniciens, des ingénieurs sur les nouvelles technologies. Nous réaffirmons notre engagement à lutter contre l’exercice illégal de la profession.
Dans un environnement où les changements climatiques sont de plus en plus préoccupants, comment faire pour éviter d’autres drames comme celui de Douala ?
Les changements climatiques ont pour conséquence la dégradation de l’environnement et des terrains constructibles à travers les inondations. Un système d’assainissement des terrains devrait être étudié et réglementé. Toutes les immondices, les déchets organiques des ménages, les déchets solides des usines, le manque d’espaces perméables entraînent ces inondations qu’on observe dans nos villes. Pour éviter ces drames, les règles d’assainissement doivent être respectées ainsi que le certificat d’urbanisme.
Nous entrevoyons nous approcher des mairies pour concrétiser ce qui a été entamé, à savoir être leur conseil en matière d’architecture et pourquoi pas les aider au contrôle de l’occupation des sols, pourvu qu’elles nous le concèdent . Une grande décision salutaire.
Propos recueillis par Léon Zang